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Esch-sur-Alzette : le marché couvert fermé pour six mois


Bien mal en point, le marché couvert d’Esch-sur-Alzette a décrété lundi 13 avril une pause de six mois avant de se relancer. Son propriétaire, Kindy Fritsch, a pris de court certains commerçants.

La création, puis la mise en orbite du premier marché couvert du pays est un chemin de croix qui tourne au fiasco le plus complet. Lundi 13 avril, Kindy Fritsch a envoyé un fax – qui n’est pas le moyen de communication le plus utilisé aujourd’hui ! – pour signifier «la fermeture temporaire de la Muart Hal à partir du 13 avril 2015». Il entérinait ainsi une situation avérée depuis que les portes du 108, boulevard Kennedy étaient fermées. C’était déjà mercredi dernier, 8 avril.

À vrai dire, il était difficile d’imaginer une autre issue. La clientèle n’a jamais fait de la Muart Hal un lieu de prédilection. À proximité de la rue de l’Alzette mais pas franchement sur le parcours habituel des piétons, il fallait de la chance pour tomber par hasard sur le marché couvert. D’autant plus que les commerces qui devaient donner sur le boulevard, et donc attirer l’œil, (une brasserie et une librairie, à l’origine) ne sont jamais venus. Du coup, depuis une inauguration qui s’est déroulée dans la plus grande des discrétions, les commerçants (déjà peu nombreux…) n’ont cessé de quitter un navire en perdition.

Que s’est-il passé? Le propriétaire évoque tour à tour «diverses procédures administratives», l’impatience des bailleurs qui voulaient ouvrir «bien que toute la surface commerciale n’était pas encore louée» et donc, au final, un manque de «diversité des commerces, nécessaire pour satisfaire la demande des clients». Bref, il décline toute responsabilité.

Malheureusement, il a fait savoir à ses collaborateurs qu’il refusait tout contact avec la presse. On n’en saura donc pas plus sur les causes du naufrage et sur ses idées pour réussir le rebond. Car, dans son fax, il prend soin de préciser qu’il ne glisse pas définitivement la clé sous le paillasson. «Il a été décidé de mettre en suspens les baux des commerçants ayant exprimé la volonté d’adhérer encore au projet jusqu’à ce que la totalité des emplacements commerciaux soient loués (sic).» «Mettre en suspens» et pas annuler, donc, puisqu’il «tâchera dans les six mois à venir de louer la totalité des emplacements en vue de relancer le projet».

Le poissonnier n’a pas eu le temps d’arriver

Les négociations concernant la suspension des baux ne devraient pas lui prendre trop de temps étant donné que les commerçants souhaitant jouer leur deuxième chance ne sont pas légion. En tout cas, ils se font très discrets sur la question (lire aussi ci-dessous). Le fromager, qui était le dernier à tenir boutique, joue la carte du secret-défense. Le vendeur de primeur a surtout décidé de se consacrer à 100 % à son magasin français.

Reste le cas du poissonnier qui, à lui seul, synthétise toute l’embrouille actuelle. Philippe Mendes gère déjà un point de vente à Differdange, les «Délices des mers». Son arrivée a été maintes fois annoncée et maintes fois repoussée. Mais il y a deux semaines, il a tout entrepris pour s’installer. Or, entre réfrigération des poissons et évacuation de l’eau par le sol, présenter les poissons ne s’improvise pas. «Le propriétaire vient de me dire que cela fermait… j’étais prêt pour l’ouverture», explique-t-il, forcément déçu, confirmant avoir investi «une bonne somme» dans l’opération.

Une situation ubuesque qui illustre en tout cas un sacré manque de coordination dans la gestion du marché. Si jamais la Muart Hal devait repartir en octobre, il faudra nécessairement mettre de l’huile dans les rouages.

De notre journaliste, Erwan Nonet


Témoignages : «Parfois, dans le commerce, il suffit d’un rien…»

Entre règlements de compte, déception et inquiétude sur le devenir de l’argent investi, les commerçants qui ont tenu un stand au marché sont dans l’expectative.

Zine, le vendeur de fruits et légumes

« Je suis parti lorsque j’ai compris qu’il y aurait cette pause. De toute façon, nous n’aurions pas pu tenir plus longtemps. À partir du moment où le marché part en vrille, pourquoi rester ? Est-ce que je suis tenté par un retour ? Pourquoi pas… On ne sait pas ce que ça aurait donné si tous les facteurs de réussite avaient été réunis. Parfois, dans le commerce, il suffit d’un rien pour que ça prenne. De toute façon, j’ai déjà un magasin à Marly (NDLR : près de Metz), donc je ne manque pas de travail ! Maintenant, il faut que je voie avec le propriétaire pour régler la paperasserie. Il n’y a encore rien de ferme mais nous ne sommes pas en conflit !
Pour moi, le seul problème, c’était qu’il n’y avait pas assez de commerçants. Le concept est beau, c’est un endroit intéressant… À nous d’attirer les gens! Au début, les gens sont venus mais comme ils ne pouvaient pas y faire toutes leurs courses, ils ne sont pas repassés : le boucher est tout de suite reparti, le poissonnier n’est pas venu… tout n’est pas de la faute du propriétaire. Les ouvertures collectives, ce n’est jamais facile.
Tout le monde peut faire des erreurs. On ne gère pas les commerces de bouche comme on loue des appartements ou de la même façon qu’on achète des maisons, il faut s’entourer de gens du métier. »

Romuald, le fromager

« Si on en est là, c’est à cause de l’égoïsme des commerçants qui sont partis. Quand on s’installe, on fait un business-plan qui prend en compte le fait que ça ne marchera pas à plein régime au début. Et puis, si ce que l’on propose ne coïncide pas avec le marché, il est normal que les affaires ne tournent pas. Aller se plaindre ensuite à la presse est inacceptable : c’est casser le travail des autres.
C’est triste, ce qui arrive. Même si je ne suis pas le propriétaire, j’y tenais, à ce marché couvert. Il faut que je voie Kindy Fritsch prochainement, pour voir comment ça va se passer. Il ne m’a pas encore prévenu, je vais prendre rendez-vous avec lui cette semaine ou la suivante. Je ne veux pas dire ce que je vais faire maintenant, mais j’ai dit à mes clients ce qu’il en était. J’avertirai la presse en temps et en heure. De toute façon, soit je meurs ici, soit je trouve quelque chose ailleurs. »

Mario Da Silva, le gérant de la brasserie

« Vous m’apprenez que cette fermeture est provisoire. Ce que je me demande, maintenant, c’est qui va rembourser les investissements que j’ai consentis dans la création de mon stand ? Mon badge ne marche plus mais le propriétaire m’a dit que je pourrai récupérer mon matériel en prenant rendez-vous avec sa secrétaire. »

Recueilli par notre journaliste E. N.

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