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La paroisse de Esch fête les 30 ans de la venue de Jean-Paul II


Jean-Paul II, lors de l'office spécialement organisé au pied des hauts-fourneaux d'Esch, le 15 mai 1985. (Photo : Archives DR)

La paroisse célèbre les 30ans de la venue de Jean-Paul II. C’était un 15mai 1985, au pied des hauts-fourneaux, dans la fraternité du monde ouvrier.

Il n’y a qu’un seul pape qui soit venu à Esch-sur-Alzette: Jean-Paul II, en 1985, lors d’une tournée au Benelux.

C’est le seul pape qui soit venu au Luxembourg et ce n’est probablement pas de sitôt qu’on y reverra un souverain pontife. «Le Luxembourg, selon des sources ministérielles, ne veut pas prendre de risques avec la sécurité», nous explique-t-on à la paroisse d’Esch-sur-Alzette. Ne reste donc que les souvenirs, mais quels souvenirs… C’était bien Jean-Paul II, ce personnage en blanc, qui avait célébré une messe au pied des haut-fourneaux d’Esch-sur-Alzette le 15 mai 1985. «Il avait voulu rencontrer les ouvriers, il aimait ce monde du travail, se souvient Frank Strock, diacre de la paroisse, âgé de 21 ans à l’époque. L’ARBED avait transformé le portail numéro 2 en église…»

L’étranger frère de l’usine

Sur les photos d’archives, la vision est surréaliste : un autel d’acier est érigé au pied des usines, surmonté d’une croix de fer (local, forcément!) que l’on retrouve aujourd’hui sur l’artère Charles-de-Gaulle. «Jean-Paul II ne voulait pas d’accueil fastueux, raconte le diacre. Il avait été très mal à l’aise lors d’un précédent déplacement en Australie, car une sacristie (NDLR : annexe pour se préparer) royale lui avait été proposée.» Si le fer de l’ARBED donnait l’illusion d’un accueil simple, les paroissiens se souviennent quand même de sommes mirobolantes. «L’ARBED avait mobilisé un ingénieur pendant des mois et huit millions de francs luxembourgeois… Une action rentable, vu l’opération de communication.»

Le soir même, plus de 6 000 fidèles avaient participé à cet office spécial. Là encore, la figure humaniste de Jean-Paul II avait expliqué certains choix : célébration dans toutes les langues, visite préalable de l’usine (casque sur la tête à la place de la calotte!) et surtout, orientation des discours vers le christianisme et le monde ouvrier. On sait que Jean-Paul II s’est frontalement opposé aux tenants de la théologie de la libération, ces prêtres communistes en rupture avec le capitalisme et le Vatican. Pour autant, le souverain pontife a toujours montré un attachement profond aux ouvriers. «Il avait insisté sur l’émancipation au travail, retrace Frank Strock. Jean-Paul II aimait le dialogue. Nous, les jeunes, avions pu l’interroger sur l’ordination des femmes et des questions du genre. Rien n’avait été tabou.»

Jean-Paul II avait aussi mis l’accent sur la tolérance avec l’immigration qui, de tout temps, a fait l’objet de rejet ou de distance, même chez certains dirigeants chrétiens. N’est-ce pas l’étranger, le fragile dans la Bible, qu’il faut accueillir en frère souvent chassé d’une autre terre?

Trente ans après, comme un bilan

Cette vision apparaît d’autant plus naïve – et belle – trente ans après la visite du Pape. Car l’intolérance augmente en Europe, le monde du travail se durcit (l’ARBED comptait 18 000 employés lors de la visite de Jean-Paul II), le dialogue tant prôné ressemble plus à une accumulation de monologues sur les réseaux sociaux… Mais ne noircissons pas le tableau : «En 1985, le chômage était déjà une préoccupation, se rappelle Frank Strock. Les usines avaient pris un sacré coup à la fin des années 70.» De l’autre côté de la frontière, Longwy la rouge n’était plus que l’ombre d’elle-même, après les 8 000 licenciements de 1979.

Et puis, entre-temps des murs sont tombés, la jeunesse, qu’elle soit croyante ou non, aspire à un monde où l’argent ne pourrit pas tout. Des continents se lèvent, l’Amérique latine a même envoyé un pape, une épine dans le pied des puissants… Jean-Paul II, canonisé en 2014, doit bien sourire de toute cette humanité. La même qu’il avait dû trouver au pied des hauts-fourneaux, dans le fer et la grisaille, comme une pierre précieuse au fond d’un ruisseau.

Hubert Gamelon

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