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[Les succès de l’écologie] Le grand retour des cigognes


Deux cigogneaux attendent le retour de leur mère, partie leur chercher à manger, à Lameschmühle. (photo LQ)

Après les cigognes noires dans le nord du pays, des cigognes blanches nichent, depuis 2013, dans le sud du Luxembourg. Un retour rendu possible grâce à des travaux ambitieux.

Chronologiquement, ce sont les cigognes noires qui, bien que nettement plus rares, sont d’abord revenues au Grand-Duché, dès 1993. Celles-ci, auparavant, étaient d’ailleurs loin d’être aussi appréciées que les blanches. Puisqu’elles se nourrissaient de poissons (les blanches raffolent plutôt de batraciens), elles entraient en concurrence avec les hommes qui n’hésitaient pas à sortir le fusil lorsqu’il les voyait. Elles en ont gardé une méfiance innée de l’homme et s’en tiennent toujours éloignées, au contraire de leurs cousines qui peuvent s’installer sans sourciller au cœur des villages.

L’histoire de leur retour est assez folle, car si elles sont revenues au Luxembourg, ce n’est ni plus ni moins que grâce à la chute de l’URSS! « À cette époque, de grands kolkhozes ont fermé, notamment ceux qui pratiquaient l’élevage de castors pour la fourrure. Une très grande quantité de ces animaux a alors été libérée dans la nature et ces derniers se sont lancés dans les plus grandes forêts avoisinantes, en Europe de l’Est. Là-bas, en s’installant, les castors ont construit beaucoup de barrages, ce qui a eu pour conséquence de créer des zones humides. Ces biotopes sont prisés par les cigognes qui ont trouvé là un habitat idéal », raconte Patric Lorgé.

Petit à petit et avec les castors, les cigognes noires se sont donc déplacées vers l’Ouest… jusque dans les Ardennes. « Lorsque les premières ont été repérées, la fondation Hëllef fir d’Natur a lancé une campagne d’acquisition de terrains financée par des dons de particuliers. Dans les secteurs achetés, des zones propices à leur installation ont été aménagées. Des étangs ont été creusés, des résineux enlevés… et les cigognes sont venues nicher en 1993 .»

Une douzaine de couples dans l’Oesling et les Ardennes

Aujourd’hui, à la grande fierté des ornithologues, entre 12 et 15 couples ont pris leurs aises dans l’Oesling et les Ardennes. Cet exemple est remarquable, car si les cigognes sont revenues, c’est grâce à l’enthousiasme et la générosité de personnes privées qui ont investi du temps et de l’argent pour obtenir ce résultat.

Pour les cigognes blanches, cela a été un peu différent. Leur retour s’est réalisé dans le cadre du projet LIFE qui avait pour but de renaturer l’Alzette, c’est-à-dire de redonner à la rivière son lit naturel et non plus canalisé. Sans doute que les porteurs du projet ne s’attendaient pas à une opposition si farouche de la part des agriculteurs et, au fil du temps et des bras de fer, l’envergure des travaux a dû être revue à la baisse.

Toutefois, dans les alentours de Lameschühle, natur&ëmwelt a pu mettre à bien son programme. Aujourd’hui, le béton qui contraignait l’Alzette a disparu pour laisser la place à une vaste prairie humide qui s’inonde lorsque les eaux de pluie sont importantes. Le long du cours d’eau, des bovins spécialement choisis parce qu’ils apprécient ce contexte paissent tranquillement.

Ce nouvel état des lieux a deux avantages. Le premier, directement au bénéfice de l’homme, est qu’il constitue un formidable bassin de rétention des eaux de pluie. « Dès qu’il pleut, le niveau monte et le lit s’élargit, explique Patric Lorgé. C’est autant d’eau qui n’ira pas dans les caves lors des inondations .»

Explosion de la biodiversité

L’autre conséquence positive est une explosion de la biodiversité : plantes, petits animaux (dont des insectes, des batraciens, des petits poissons…), tous y trouvent leur bonheur. Et forcément, aussi, ceux qui se trouvent juste au-dessus dans la chaîne alimentaire. Les cigognes, par exemple. « Le lit de l’Alzette est un formidable garde-manger pour elles! », assure l’ornithologue.

L’arrivée du premier couple était très attendu, l’évènement a eu lieu en 2013. La femelle avait déjà été baguée précédemment, du côté de Karlsruhe. « Le couple a fait son nid sur un peuplier qui avait été cassé par une tempête, mais, pour plus de sécurité, nous avons décidé d’installer un nid artificiel.»

Huit cigogneaux nés au Grand-Duché depuis 2013

L’année suivante, ce sont deux nouvelles cigognes qui ont occupé le nid. Le couple de l’année précédente, voyant que la place était prise, a emménagé un peu plus loin, à Bettembourg. « Nous avions construit un nid au cœur d’une peupleraie, dans un endroit qui ressemble à Lameschmühle, mais elles ont préféré construire elles-mêmes leur nid! », s’étonne Patric Lorgé.

Cette année encore, ces deux nids étaient occupés. En tout, depuis 2013, huit cigogneaux sont nés au Grand-Duché, cinq à Lameschmühle (deux en 2014 et trois cet été) et trois à Bettembourg (en 2015).

Spontanément, les cigognes nous sont sympathiques : ce sont elles qui apportent les bébés et si elles sont présentes quelque part, il y a de grandes chances de les trouver sur une carte postale. « Nous recevons beaucoup d'appels et de mails à propos des cigognes, c'est incroyable, relève Patric Lorgé. Nombreuses sont les personnes qui nous demandent si elles peuvent mettre un nid dans leur jardin : il y a une vraie folie positive autour de cet oiseau! » Et personne ne s'en plaint.

Spontanément, les cigognes nous sont sympathiques : ce sont elles qui apportent les bébés et si elles sont présentes quelque part, il y a de grandes chances de les trouver sur une carte postale. « Nous recevons beaucoup d’appels et de mails à propos des cigognes, c’est incroyable, relève Patric Lorgé. Nombreuses sont les personnes qui nous demandent si elles peuvent mettre un nid dans leur jardin : il y a une vraie folie positive autour de cet oiseau! » Et personne ne s’en plaint.

Erwan Nonet

Cette nouvelle série d’été se propose de mettre en avant des programmes de sauvetage d’espèces (animales ou végétales) couronnés de succès. Chaque mercredi, il ne sera ici question que de bonnes nouvelles venues du front de la nature, portées par des scientifiques convaincus. Après le cuivré de la bistorte, l’arnica, la chouette chevêche, le grand rhinolophe et la cigogne, nous évoquerons, dans une semaine, le milan royal.

Roeserbann,vallée de l’Alzette…

Si les premières cigognes blanches se sont installées dans le sud du pays, les scientifiques espèrent qu’elles occuperont bientôt un territoire plus vaste. Ils posent notamment de bons espoirs sur le Roeserbann et le nord de la vallée de l’Alzette, dans la région de Lorentzweiler et Lintgen. « Des endroits qu’elles devraient aimer », estime Patric Lorgé.

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