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Roger Peiffer, le poète qui raconte nos vies en luxembourgeois


Roger Peiffer publie des poèmes sur Facebook, principalement en luxembourgeois. Le Sud minier, l'amitié, la société : bref, la vie des gens! (Photo : Alain Rischard)

Sur Facebook, il est «De Poet». Dans le civil, c’est Roger Peiffer. Rencontre avec le Luxembourgeois qui redonne son élan populaire à la poésie. «De Poet» publie des poèmes depuis 2006 sur Facebook. Il est suivi par 6 650 fans. Explication d’un succès.

Il s’est mis à écrire au décès de sa femme. «Nous étions séparés, elle était malade, j’avais pris en charge nos deux enfants, raconte Roger Peiffer. Ça a été une épreuve terrible.» Pour panser ses blessures, il s’est mis à écrire. «Rapidement, quand j’avais quelques minutes.» Roger aurait pu choisir la prose d’un carnet intime. Il a préféré la poésie. Pourquoi? «Le monde était trop froid. Il me manquait des sentiments, de la gentillesse, de la couleur.» Et de la poésie donc.

L’employé de la Ville de Luxembourg n’avait pas de prédispositions pour l’écriture. Si ce n’est sa grand-mère eschoise, qui déjà composait des poèmes. Six ans après, le voici suivi par 6 650 fans en trois langues sur Facebook (luxembourgeois, allemand et un peu français). Roger est devenu De Poet, une plume lue jusqu’en Autriche. «J’affirme mes rêves et mes fragilités», explique l’habitant de Kayl. Un propos rare à une époque où il faut jouer les durs, faire ressortir le petit Poutine ou le petit Trump qui sommeille en nous. Pourtant le poète ressemble à ces costauds que l’on croise dans le Sud : 100 % Minett dans la tête, comme dans les veines. «Si mon sang est rouge, c’est comme la couleur de la terre ici», lâche-t-il d’un coup.

Il touche les gens, s’inspire de la réalité

Grâce aux poèmes de Roger, des centaines de lecteurs retrouvent des émotions perdues. «J’essaye toujours de toucher les gens», glisse Roger, qui ne supporte pas l’attitude snob du milieu culturel au Luxembourg. La vie d’antan, la beauté banale des cités ouvrières, l’amitié, le refus d’une société brutalement égoïste… «Je m’inspire parfois de faits réels, précise le poète. Comme de cette grand-mère qui vivait seule, tellement seule, si discrètement, que personne n’avait compris qu’elle était morte dans son appartement.»

Même quand il évoque son intimité, Roger sait parler au public. Combien d’Eschois ont reconnu leur papa dans «ce type qui sortait de l’usine en vélo, qui revenait au milieu de la nuit à la maison, qu’on ne voyait pas beaucoup». Mais qui rendait heureux ses trois enfants, «même avec pas grand-chose». Roger parle d’un Luxembourg en train de changer. Il regrette cette course effrénée à la croissance. «Toute notre vie tourne autour de l’argent, on finit fatigués, enfermés chez nous.» Il ne comprend pas que les loyers soient aussi chers. Il plaint les futures générations, qui s’endettent sur 30 ans pour un appartement. Il se sent presque coupable : «J’ai bientôt 50 ans. J’ai fait partie d’une génération pour laquelle tout allait bien.»

Le poète a sorti un premier livre en autoédition, en 2015. Il en prépare un nouveau : 160 poèmes en luxembourgeois! Il prévoit une soirée de lancement avec des peintres du cru, comme lui, qui n’ont pas peur d’afficher leur culture populaire. «André Depienne, Nico Bouché, Théa Peschon… et tant d’autres. Ils ne seront jamais exposés au Mudam. Mais ils feraient deux fois plus d’entrées que n’importe quelle exposition achetée à prix d’or à l’étranger.»

Hubert Gamelon

La force du luxembourgeois

Roger compose surtout en luxembourgeois. Ses poèmes touchent un public large. Au moins autant que les signataires des fameuses pétitions pour ou contre le luxembourgeois dans les administrations! Finalement, le cœur du luxembourgeois n’est-il pas là?

Une langue populaire, qu’il ne faudrait pas réduire à une dimension purement pragmatique. Roger ne veut pas entrer dans ce débat. Toujours est-il qu’il redonne un côté enchanteur au luxembourgeois, loin des crispations identitaires. Ses poèmes sont même étudiés en cours de luxembourgeois, à la société de formation Inlingua!

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