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USA : aux primaires démocrates, l’aile gauche est plus influente que jamais


Les idées du sénateur du Vermont, qui a perdu en 2016 face à Hillary Clinton, sont "rentrées dans les têtes des électeurs". (Photo Getty Images/AFP)

Avec le socialiste revendiqué Bernie Sanders et la sénatrice très à gauche Elizabeth Warren dans le trio des favoris des primaires, l’aile gauche du parti démocrate, longtemps marginale au pays du capitalisme triomphant, semble plus forte que jamais, et peut-être en mesure d’affronter Donald Trump le 3 novembre.

Certes, selon des résultats encore partiels, Pete Buttigieg, démocrate modéré qui ne rejette pas Wall Street, a devancé Bernie Sanders lors de la première primaire, dans l’Iowa. Une performance pour l’ancien maire de 38 ans ouvertement gay et inconnu il y a un an. Mais le sénateur indépendant du Vermont, pourfendeur des milliardaires et des élites, qui prône impôts sur la fortune, forte hausse du salaire minimum, sécurité sociale sur le modèle européen, et gratuité des universités, arrive immédiatement derrière. Il a récolté le plus grand nombre de voix. Avec le score de la sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren, proche des positions de Bernie Sanders et arrivée troisième, devant l’ex-vice-président Joe Biden, l’aile gauche peut espérer voir l’un des siens affronter Donald Trump en novembre prochain. Et prendre ainsi sa revanche, après la défaite de Bernie Sanders face à la centriste Hillary Clinton en 2016.

Hausse des démocrates progressistes

Ces résultats reflètent « un mouvement progressif (vers la gauche) des démocrates depuis plusieurs années », souligne Costas Panagopoulos, professeur de science politique à l’université Northeastern de Boston. Même si Bernie Sanders n’a pas remporté l’investiture 2016, ses idées « sont clairement rentrées dans les têtes des électeurs », dit-il. « En partie parce que beaucoup d’électeurs sont insatisfaits de leur situation économique (…) et pensent qu’il faut de grands changements pour répondre aux problèmes auxquels ils sont confrontés au quotidien ». Selon des chiffres publiés mi-janvier par le Pew Center, l’évolution s’est faite sur 20 ans. En l’an 2000, 27% des démocrates se disaient progressistes ou très progressistes. En 2019, ils étaient 47%, face à 38% qui se disent « modérés » et 14% « conservateurs ».

Le mouvement Occupy Wall Street, qui à partir de 2011 organisa des mois de manifestations pour dénoncer les inégalités et les abus du capitalisme, fut l’un des signes visibles de cette évolution. Aux élections législatives de novembre 2018, plusieurs candidats à la gauche du parti, comme la New-Yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez, avaient aussi fait sensation en détrônant des ténors démocrates modérés. En glissant vers la gauche, les démocrates américains suivent, à quelques années d’intervalle, l’exemple des républicains, qui eux ont viré vers la droite au début des années 2000, poussés notamment par le « Tea Party », souligne David Barker, professeur à l’American University. Le virage est alimenté par des changements démographiques, dit-il. Les démocrates sont plus jeunes, plus diplômés et plus « idéologues ». « J’ai 50 ans et quand j’entends le mot ‘socialisme’ je pense encore à l’Union soviétique. Mes étudiants, eux, pensent à la Norvège, à la Scandinavie. La dynamique de la Guerre froide, c’est de la vieille histoire pour eux », souligne David Barker.

« Une ère d’extrêmes »

Même les candidats aujourd’hui qualifiés de « modérés » – comme Pete Buttigieg ou Joe Biden – sont bien plus à gauche que ne l’étaient les Clinton par exemple, dit-il. L’élection-choc de Donald Trump, reflet d’une polarisation grandissante, favorise aussi des candidats plus extrêmes, autrefois jugés inéligibles. Donald Trump « a tellement poussé le balancier dans l’autre sens que Bernie Sanders me semble moins à gauche maintenant qu’il y a quatre ans, tout simplement parce que nous sommes dans une ère d’extrêmes », confie Dawn Shurmaitis, démocrate du New Jersey qui a participé aux campagnes de Barack Obama et Hillary Clinton. Et dans un contexte de rejet des élites, le sénateur indépendant du Vermont a « pour lui, comme Trump en 2016, d’être perçu comme plus authentique, plus naturel que d’autres candidats », dit James Campbell, politologue à l’université de Buffalo. « Ils ont tous les deux une sorte de populisme ».

Les modérés sont pourtant loin d’avoir dit leur dernier mot. Les analystes prédisent une longue bataille jusqu’à la convention démocrate de juillet pour désigner celui qui affrontera Donald Trump. Avec, face à Bernie Sanders, peut-être Pete Buttigieg, ou Joe Biden s’il se remet de sa contre-performance dans l’Iowa, voire encore l’ex-maire de New York Michael Bloomberg, qui monte dans les sondages. Pour l’instant, « le centre est divisé entre Buttigieg, Bloomberg et Biden, ce qui avantage Sanders », dit James Campbell. « Mais il reste une large composante modérée au sein du parti (…) Nous n’en sommes qu’à la première manche ».

AFP/LQ

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