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Affaire Schleck : «Une mutation n’aurait pas eu de sens»


L'adjudant-chef Christian Schleck va conserver son poste. Il n'est cependant pas encore établi si l'affaire est clos (Photo : Julien Garroy).

Le ministre de la Défense a confirmé mardi à la Chambre la non-mutation de Christian Schleck. Alors qu’il redoutait un muselage, le syndicaliste va désormais travailler sur une réforme du recrutement à l’armée.

Les accusations formulées ces dernières semaines envers le chef d’état-major et le ministre de la Défense étaient graves. La mutation interne concernant Christian Schleck aurait eu comme seul but de «museler» le président du syndicat de l’armée (SPAL). Les libertés syndicales seraient bafouées à l’armée, avait ajouté le syndicat de la force publique (SPFP), vent debout pour défendre son vice-président. La démission du général Duschène avait même été demandée.
Il reste difficile de déceler avec certitude qui dit vrai dans un dossier qui est devenu courant décembre «l’affaire Schleck». En fin de compte, on est revenu au point de départ, même si la réaction du camp syndical se fait encore attendre (lire ci-dessous). «Christian Schleck va rester à son poste. La mutation envisagée n’est pas effective», a confirmé hier le ministre de tutelle à la Chambre des députés. «Une mutation n’aurait pas eu de sens à un moment où on compte revoir le recrutement à l’armée», ajoute François Bausch. La raison majeure pour la non-mutation, procédure pourtant lancée par l’état-major de l’armée, serait de pouvoir profiter du vécu de Christian Schleck au sein du bureau d’information de l’armée.

La relation avec le général reste intacte

Même si le général Alain Duschène avait insisté sur le principe de rotation et le besoin de doter le bureau de recrutement d’un membre de l’armée «plus jeune», le ministre a décidé de trancher, notamment pour «ramener du calme» dans l’armée. «Considérant qu’il est prévu de procéder à une réorganisation globale de la politique de recrutement, je ne vois pas le général ne pas être d’accord avec ma décision», répond par ailleurs François Bausch en réponse à un constat dressé par Léon Gloden. «Le ministre et le général ne semblent pas avoir la même vision des choses dans ce dossier. Il faut du coup se poser la question de savoir si la confiance politique est encore assurée», avait fait remarquer le député du CSV à la sortie de la réunion de la commission parlementaire de la Sécurité intérieure et de la Défense.
Le ministre reste toutefois «perplexe» par rapport au fait qu’entre l’annonce de la mutation en juin et la levée des boucliers du SPFP en novembre, le principal concerné n’ait jamais formellement fait part d’une supposée entrave aux libertés syndicales. «Pourquoi attendre novembre et un congrès syndical pour faire du tapage?», s’interroge François Bausch, tout en soulignant qu’«il n’est pas du ressort du ministre de s’immiscer dans la « microgestion » d’une administration. Mon seul intérêt est qu’il n’y ait pas d’entrave à la liberté syndicale. Ici, il n’existe aucun indice clair pour une telle violation.»
À partir du moment où Christian Schleck serait assuré de pouvoir poursuivre sa mission syndicale, il ne s’agirait plus que d’un «différend en ce qui concerne la relation professionnelle de deux personnes travaillant pour une administration. Cela est déjà arrivé à plus d’une reprise», concède le député Dan Biancalana (LSAP). Le ministre ajoute que le principe de rotation n’est pas remis en question par sa décision de maintenir Christian Schleck à son poste initial.

Une formation déjà entamée

«Il est vrai qu’il n’était à la base pas demandeur pour une mutation. Mais si une mutation n’entrave en rien ses droits syndicaux, l’absence de demande ne joue pas de rôle. Il existe certainement un grand nombre de personnes qui ne souhaitent pas être mutées. Le besoin de service doit toutefois primer», s’explique François Bausch. Dans ce cas précis, et sur base d’une analyse du dossier, il aurait jugé opportun d’impliquer Christian Schleck dans la réorganisation de la stratégie de recrutement.
Il reste cependant un flou. Comme cela a été confirmé hier, Christian Schleck a déjà entamé une formation en vue de sa prise de fonction comme chef du bureau d’ordre de l’armée. «Selon mes informations, l’état-major a en l’absence de contestation formelle de M. Schleck préparé le terrain pour la mutation», précise le ministre. Il aurait misé sur la «bonne volonté» des personnes concernées pour trouver une solution. Cela n’a pas été le cas.

David Marques

«Je ne suis pas demandeur…»

Commun accord ou pas ? Il s’agit d’une des questions centrales de l’affaire Schleck. Aussi bien le camp syndical que le Parti pirate continuent à clamer que le président du syndicat de l’armée n’a jamais consenti à une mutation, contrairement à ce qu’affirme le chef d’état-major dans sa lettre adressée le 3 décembre au ministre de la Défense.
Le général Alain Duschène avait écrit que l’adjudant-chef Christian Schleck avait «indiqué être d’accord avec la proposition» de devenir chef du bureau d’ordre de l’armée à l’état-major à Luxembourg. «À aucun moment, l’AdjCh Schleck n’a laissé entendre que la fonction envisagée pour lui (…) pourrait poser un quelconque problème en relation avec ses activités syndicales. Bien au contraire, il exprimait sa satisfaction de pouvoir continuer à occuper un poste à l’EMA (NDLR : l’état-major de l’armée) à Luxembourg étant donné que cela l’arrangeait d’un point de vue familial», avait ajouté le général Duschène dans sa missive.
Cette version des faits est formellement contestée par le syndicat de la force publique (SPFP). Seule certitude : Christian Schleck a fait inscrire au mois de mai sur sa fiche d’évaluation interne la remarque «Je ne suis pas demandeur» pour une mutation. Le ministre François Bausch l’a confirmé hier. Pour ce qui est de la suite des événements, le flou persiste.

Le camp syndical reste vent debout

La CGFP doit trancher ce mercredi (Photo :  Julien Garroy).

La CGFP doit trancher ce mercredi (Photo : Julien Garroy).

SPFP et CGFP ne veulent pas commenter avant demain les récentes évolutions dans l’affaire Schleck. La décision du ministre Bausch crée déjà des remous.

Au début de l’affaire Schleck, la revendication du Syndicat de la force publique (SPFP), rejoint plus tard par la Confédération générale de la fonction publique (CGFP), était la suivante : l’adjudant-chef Christian Schleck doit retrouver son poste au bureau d’information de l’armée. Le SPFP n’avait pas hésité à demander la démission du chef d’état-major, Alain Duschène, si la mutation du président du syndicat de l’armée n’était pas annulée. La CGFP avait de son côté menacé de saisir le Bureau international du travail (BIT) pour dénoncer une entrave à la liberté syndicale.
Hier, ni le SPFP ni la CGFP n’ont souhaité commenter la décision du ministre de la Défense de renoncer à la mutation de Christian Schleck. Le fait que leur revendication ait trouvé une réponse favorable suffira-t-il à calmer les ardeurs? Rien n’est moins sûr. En dépit de la question sur la présence ou non d’un accord mutuel pour la mutation (lire ci-dessus), le SPFP ne semble pas disposé à valider l’argumentation livrée par François Bausch.
Les interrogations suivantes ont d’ores et déjà filtré : la mutation prévue initialement est-elle déjà effective? Et est-ce que Christian Schleck a été officiellement mis au courant de sa non-mutation?
Le ministre de tutelle répond sans hésitation. «Christian Schleck s’est vu adresser courant novembre une lettre dans laquelle le chef d’état-major lui a fait part de l’intention de le muter. Il avait jusqu’au 24 décembre pour justifier le refus de cette mutation», retrace François Bausch. En fin de compte, la décision d’impliquer Christian Schleck dans la réorganisation de la politique de recrutement de l’armée aurait pris le dessus.
Le principal intéressé aurait été informé par mail qu’il allait conserver son poste. «Le chef d’état-major lui a envoyé deux mails. Christian Schleck a demandé en retour du premier s’il avait bien compris la décision prise. Le général lui a répondu par l’affirmative dans le second», indique le ministre de la Défense.
Pour une fois dans ce dossier, il semble exister une pièce écrite. Selon les premiers échos obtenus auprès du SPFP, cette version des faits est fortement remise en doute. Une communication officielle sera faite à l’issue d’une réunion du comité, prévue aujourd’hui.
Après avoir été reçu une première fois le 20 décembre par François Bausch, la CGFP va revoir le ministre de la Défense demain. «Ils ont pris leurs distances par rapport à la revendication de démission formulée par le SPFP à l’encontre du chef d’état-major», affirme François Bausch. La question d’un recours devant le BIT reste à trancher. La CGFP a annoncé vouloir communiquer demain.

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