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« On avait peur de me dire la vérité »


La Grande-Duchesse Maria Teresa veut montrer aux parents et à leurs enfants souffrant d'un "dys" que, comme pour son fils, il existe des solutions et un avenir pour eux. (Photo : Jean-Claude Ernst)

La Grande-Duchesse Maria Teresa s’engage personnellement dans la lutte contre le tabou qui pèse sur la dyslexie et les «dys» en général. Elle revient sur son expérience personnelle en tant que maman.

Samedi, lors du premier forum international au Luxembourg consacré aux «dys», le Prince Louis révélera publiquement son parcours scolaire difficile. La Grande-Duchesse Maria Teresa livre son témoignage, celui de la mère d’un fils dyslexique, et porte un message d’espoir à destination de toutes les familles concernées par la problématique des «dys».

Les deux premiers Forums mondiaux sur la dyslexie pour les enfants en difficulté d’apprentissage auxquels vous avez accordé votre haut patronage (en 2010 et 2014 à Paris) se concentrent sur la dyslexie. Vous avez décidé d’élargir ce forum international au Luxembourg à tous les « dys ». Pour quelle raison?

La Grande-Duchesse Maria Teresa : Quoique la dyslexie soit le plus connu des troubles de l’apprentissage, la dyscalculie, la dysphasie, la dyspraxie et le trouble déficitaire de l’attention (avec ou sans hyperactivité) sont également assez répandus. Voilà pourquoi il m’a semblé plus juste d’avoir une approche plus large par rapport aux troubles d’apprentissage.

Au niveau européen, il est estimé qu’environ 5 à 10 % de la population souffre d’un ou plusieurs troubles de l’apprentissage. La situation ne peut donc pas être très différente ici au Luxembourg.

Mais la prise de conscience par rapport aux troubles de l’apprentissage ne fait qu’émerger : actuellement, il n’existe pas encore d’outil de diagnostic standardisé officiellement reconnu. Cela m’intéresse d’ailleurs beaucoup de savoir combien de jeunes en échec ou en décrochage scolaire sont concernés par cette problématique.

Quelles sont vos attentes à l’égard de ce premier grand forum? S’agira-t-il de briser le tabou ou de trouver des solutions concrètes pour les enfants qui souffrent de ces troubles?

Il faut briser les tabous autour des troubles de l’apprentissage. On peut très bien réussir sa vie avec un trouble de l’apprentissage, mais il faut une acceptation du problème dans la société, il faut un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée.

L’échange d’informations est primordial. Il existe de nombreux projets et méthodologies, de petites astuces, des livres et logiciels, mais pour une mère ou un père, la recherche de l’information et de l’aide reste difficile. Je souhaite que ce forum soit un moment de rencontre où l’on puisse échanger sur les avancées dans la recherche, où l’on puisse constater les progrès afin que les troubles de l’apprentissage ne soient plus considérés comme un tabou et synonymes d’échec.

La dyslexie de votre fils le Prince Louis a été détectée tardivement, à l’âge de 10 ans. Qu’est-ce qui vous a mise sur la piste, qu’est-ce qui vous a alertée?

La première des difficultés – et je pense que beaucoup de parents sont dans la même situation que moi au Luxembourg – est que je ne domine pas bien la langue allemande. À l’école luxembourgeoise, les enfants apprennent à écrire en allemand. Et contrairement à ce que j’aurais voulu, je ne pouvais pas beaucoup aider mes enfants pour les devoirs. Quand on ne peut pas aider ses enfants lors des devoirs, beaucoup de choses nous échappent, et je sais que beaucoup de parents sont aussi concernés au Luxembourg. Cela explique le fait que je n’ai pas vu suffisamment à temps le problème. Quand j’ai commencé à me rendre compte que mon fils souffrait, qu’il n’était pas heureux à l’école, j’ai commencé à me poser des questions et je me suis renseignée.

Il y a une chose néanmoins : c’est lorsque j’ai remarqué qu’il avait du mal à écrire, qu’il faisait des inversions de lettres. Là, c’était clair. Après une batterie de tests effectués à l’étranger, le diagnostic est finalement tombé. Cela a pris trop de temps, malheureusement.

Mais cela a aidé de savoir, de mettre un nom sur ce qui se passait. Ces enfants sont en situation d’échec et ont une estime de soi très basse, mais ils ont en même temps une force et une maturité supérieures à leur âge, car ils sont souvent en situation d’échec et apprennent à se relever à chaque fois. La vie, c’est se battre, et c’est pour eux une force, car ils sont engagés dans un parcours du combattant dès leur plus jeune âge. Je me suis également tournée vers le SCAP [Service de consultation et d’aide pour troubles de l’attention, de la perception et du développement psychomoteur, situé à Luxembourg] qui a été ma bouée de sauvetage : on nous a véritablement aidés. Mon fils a pu développer des stratégies d’apprentissage. Une fois que l’enfant a les bons outils, il peut avancer, même si cela lui demande plus d’efforts et de temps qu’à d’autres.

J’ai ensuite commencé à regarder les systèmes scolaires qui pourraient être les plus adaptés, et c’est là que je me suis rendu compte que les Anglo-Saxons étaient à la pointe, même si aujourd’hui la Belgique francophone a fait d’énormes progrès. (NDLR : Depuis mai 2014, le Prince Louis est diplômé de Richmond, l’université américaine internationale de Londres, où il a obtenu un BA en arts de la communication. Il poursuit actuellement un master.)

Propos recueillis par Audrey Somnard

Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans Le Quotidien papier de ce jeudi

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