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Luxembourg : «Stop aux fourrures !», la pétition qui réveille les consciences


La fourrure est de moins en moins utilisés dans les défilés de mode... mais le grand public cerne mal les enjeux du débat. D'où une pétition à la Chambre (Photo d'illustration : AFP).

Une pétition citoyenne demande l’interdiction de la fourrure au Luxembourg. Un débat qui s’impose, d’autant que la fourrure synthétique s’avère parfois être… du véritable poil de chat ou de chien.

Âmes sensibles, ayez le cœur bien accroché. Les vidéos aisément trouvables sur la toile qui dénoncent les conditions de traitement et d’abattage des animaux élevés ou directement tués dans la rue pour leur fourrure sont tout simplement insoutenables.
Sur celle-ci, un élevage – européen – de lapins Orylag (issus d’une sélection génétique pour obtenir une fourrure plus douce et plus dense). On y découvre des bêtes enfermées dans des cages grillagées, y compris au sol, dont la surface n’est pas plus grande qu’une feuille A4. Stress, maladies, déformations sont leur lot quotidien. Sur cette autre vidéo, des lapins Angora hurlent de douleur tandis que leurs poils sont arrachés à vif. Il y a aussi les phoques, massacrés depuis des décennies sur les plages canadiennes ou namibiennes.

Lapin à fourrure d'élevage (Photo : association L214).

Lapin à fourrure d’élevage (Photo : association L214).

En Finlande, une enquête de 2017 relayée par la Fondation 30 millions d’amis montrait pour la première fois au grand public ces renards gavés jusqu’à peser cinq fois leur poids dans le but de voir augmenter leur taille et donc leur fourrure. Complètement obèses, les yeux injectés de sang, pouvant à peine se mouvoir, ils ont été surnommés «les renards-monstres».
L’industrie de la fourrure tue chaque année des millions de bêtes et est, de fait, l’une des principales cibles des associations de défense des animaux, comme PETA (People for the Ethical Treatment of Animals), qui lutte depuis les années 80.
À force de campagnes – on se souvient notamment des mannequins stars qui ont posé dès les années 90 «plutôt nues qu’en fourrure» ou de la publicité TV choc Greenpeace dans laquelle le sang coulait des manteaux lors d’un défilé de mode –, le grand public a petit à petit été sensibilisé à cette cause. Au point qu’en France par exemple, selon un sondage IFOP (l’un des principaux instituts de sondage de l’Hexagone) mené en février 2019 pour 30 Millions d’amis, 91 % de la population se déclare opposée au commerce de la fourrure.

L’Europe, gros producteur

De quoi achever de faire plier bon nombre de marques, notamment de luxe, soucieuses de conserver leur image et, bien sûr, leurs clients. Elles sont plusieurs à avoir officiellement renoncé à utiliser de la véritable fourrure animale dans leurs collections (voir encadré par ailleurs).
Un déclin qui entraîne progressivement la chute du nombre d’élevages d’animaux à fourrure. «En France, entre 2017 et 2019, le nombre d’élevages s’est réduit de moitié», illustre Anissa Putois, de PETA France. «Il reste cinq élevages de visons et une dizaine d’élevages de lapins Orylag.» L’Europe, qui compte quelque 6 000 fermes, reste malgré tout l’un des principaux producteurs, notamment pour la fourrure de vison et de renard.
Le Luxembourg n’a pas d’élevage de ce type sur son territoire. Le pays a par ailleurs voté une loi renforçant le bien-être animal, reconnu depuis le 27 juin 2018 comme «un être vivant non humain doté de sensibilité». Grâce à cette loi, qui vise à «assurer la dignité, la protection de la vie, la sécurité et le bien-être» de l’animal, aucun élevage d’animaux à fourrure ne pourra voir le jour au Grand-Duché.

Une situation jugée «hypocrite»

Mais pour bon nombre de militants, cela est clairement insuffisant, voire «hypocrite», comme le dénonce Daniel Frères, président de l’association de protection des animaux Give us a voice, qui demande l’interdiction pure et simple de la vente de fourrures au Luxembourg. «Nous pourrions être le premier pays européen à le faire. L’élevage y est certes interdit, mais il n’y en a jamais eu au Luxembourg, c’est ridicule!», s’insurge ce membre du Parti pirate, que le sujet révolte. «Nous étions le seul parti à vouloir interdire la vente. Aucun n’a suivi, la faute à la lâcheté et aux lobbys!»
Le sujet mérite d’autant plus d’attention que, loin du stéréotype que d’aucuns peuvent parfois avoir, la fourrure ne se trouve pas seulement sur ces épais manteaux qui coûtent des milliers d’euros. Une enquête menée il y a trois ans au Royaume-Uni a alerté le grand public : après analyse, des vêtements à bas prix importés de Chine agrémentés de fourrure présentée comme étant synthétique s’avéraient en fait garnis de véritables poils de chat ou de chien!

Les poils moins chers que le synthétique

«Ça coûte moins cher de tuer un chat ou un chien et d’en prélever la fourrure que de fabriquer de la fourrure synthétique», rappelle Monique Klein, auteure de la pétition n°1483 en faveur d’«un Luxembourg sans fourrure» animale.
Pour cette Mondercangeoise de 63 ans, qui agit pour la protection animale depuis ses 21 ans, il était nécessaire d’alerter le grand public sur cette pratique. «Les gens ne sont pas assez informés», déplore Monique Klein. «Peut-être que certains aimeraient savoir s’ils portent un chien ou un chat sur le dos.» D’autant que, comme l’attestent de nombreuses vidéos et différentes enquêtes, «en Chine, on attrape les chiens, on les jette en cage puis ils sont étourdis à coups de marteau sur la tête. Ils ne sont pas morts et là, on les dépèce. À vif! Et certains restent encore en vie, sans peau, pendant deux jours!»
Traumatisée par les images de maltraitance animale, Monique Klein s’est retirée des associations et des réseaux sociaux, mais ne peut s’empêcher d’agir. «Je ne sors presque plus, surtout en hiver, à cause de la fourrure animale. Je me suis rendue malgré tout il y a quelques semaines dans plusieurs magasins pour vérifier qu’on y vendait toujours de la fourrure animale en prétendant que c’était de la synthétique. Et c’est toujours le cas. Les vendeuses ne le savent même pas! Soit il n’y a pas d’étiquettes, soit les étiquettes sont mensongères. Parfois, on va aussi prétendre qu’il s’agit de raton laveur alors que c’est du chat ou du chien.»
Pour Monique Klein, qui a toujours vécu entourée d’animaux et possède encore 13 chats et 7 chiens, impossible de s’y tromper. «Je sais distinguer la vraie fourrure de la fausse.»
Daniel Frères, qui assure lui aussi que la distinction est aisée, donne quelques conseils : «Lorsqu’il s’agit de vraie fourrure, les poils sont plus souples. Lorsqu’on souffle dessus, ils volent un peu dans tous les sens. Si on possède l’article, on peut aussi brûler quelques poils au briquet. Si ce sont des vrais, ils vont avoir la même odeur qu’un cheveu brûlé.»
La PETA ajoute qu’en outre, «les vrais poils animaux se rétrécissent jusqu’à devenir très fins à l’extrémité, à moins qu’ils aient été coupés. La fourrure synthétique, en revanche, a généralement des extrémités qui se terminent de façon plus nette. Donc si les poils se rétrécissent à leur extrémité, mieux vaut ne pas prendre de risque et laisser l’article là où il est».
Pour les militants, l’interdiction de la vente de fourrure permettrait de rester cohérent face à la question du bien-être animal, mais garantirait aussi des contrôles de l’État sur les fourrures synthétiques, ce qui permettrait d’empêcher leur entrée sur le territoire luxembourgeois. Pour être débattue à la Chambre, la pétition doit recueillir 4 500 signatures avant le 13 mars.

Tatiana Salvan

56 millions

C’est le nombre d’animaux tués chaque année par l’industrie de la fourrure, selon la Fondation 30 millions d’amis. Exception faite des lapins qui seraient, eux, un milliard à être sacrifiés pour leur peau. Avec 6 000 fermes d’élevage, l’Union européenne représente 70 % de la production mondiale de fourrures de vison et 63 % de la production de fourrures de renard.

Ces marques qui ont renoncé

Face à la pression des associations de protection animale, mais aussi des consommateurs de plus en plus sensibilisés, des grands créateurs et de nombreuses enseignes ont décidé de bannir la fourrure véritable de leurs collections. Côté luxe, Armani, Burberry, Chanel, Gaultier, Gucci, Versace et plus récemment Prada, entre autres, y ont renoncé. Des marques de prêt-à-porter (Asos, H&M, Kiabi, Zara…) se sont également engagées à ne plus proposer de vêtements ou d’accessoires en fourrure animale. La liste complète, et régulièrement mise à jour, des marques engagées est à retrouver sur :
www.mode-sans-fourrure.com/liste-verte.

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