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Villa Pauly : la fin d’un mythe


La Villa Pauly, boulevard de la Pétrusse à Luxembourg, hier après-midi. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

Pendant des décennies, la Villa Pauly a été le symbole de la répression contre la résistance. Depuis jeudi, on y commémore également la déportation des juifs.

Une plaque commémorative apposée à l’extérieur de la Villa rappelle désormais que la Gestapo y a planifié la déportation des juifs luxembourgeois.

La bâtiment est un des plus emblématiques de la ville : construit en 1923 pour Nicolas Pauly, chirurgien, il a accueilli, d’août 1940 à septembre 1944, le quartier général de la Gestapo, la «police secrète» de l’occupant nazi. Lorsque les troupes allemandes s’emparent de la demeure, son propriétaire est en vacances. À son retour, il se serait contenté de réclamer un loyer à ses hôtes germaniques. Mais si la Villa Pauly est le symbole qu’on connaît, c’est parce que dans ses entrailles, depuis l’escalier qui mène dans la cave et jusque dans les cellules encore visibles aujourd’hui, il s’agit d’un lieu dans lequel on a emmené des gens pour les emprisonner et les torturer dans le but de leur extorquer quelque information de valeur aux yeux de l’occupant, avant de les fusiller ou de les libérer. L’enfer pour beaucoup aura commencé dès l’escalier abrupte dans lequel plus d’un a été jeté par la main ennemie pour atterrir en bas, totalement sonné, blessé, avec la trouille comme seul compagnon pour la nuit.

Colonne de gauche, colonne de droite

Deux plaques commémoratives, apposées toutes les deux sur le pilier à gauche de l’entrée de la villa, enjoignent au passant de se souvenir «des résistants torturés en ce lieu» ainsi que des «patriotes qui, sous la terreur nazie, ont souffert dans cet immeuble pour la liberté et la patrie». C’est d’ailleurs là «ce qui a été généralement gardé en mémoire» comme le constate l’historien Paul Dostert, directeur sortant du Centre de documentation et de recherche sur la résistance (CDRR) installé dans ce lieu, à l’occasion de l’inauguration, hier, devant une salle comble, d’une autre plaque commémorative, non pas en mémoire des résistants, mais en mémoire du passé de la Villa Pauly qui, comme le rappelle un communiqué, est «également [le lieu] à partir duquel la déportation des juifs du Luxembourg a été organisée». En effet, explique un Paul Dostert visiblement mal à l’aise, c’est lors d’une recherche sur la Gestapo avec l’université de Trèves qu’on aurait commencé «à s’apercevoir clairementque la Gestapo n’avait pas seulement agi contre les soi-disant « ennemis du Reich » (les résistants), mais avait également planifié et mis en œuvre toute une panoplie de mesures contre les juifs. Et cela également au Luxembourg.»

Il s’agissait évidemment là, sinon d’un argument risible, d’un euphémisme poli pour trouver des explications au recouvrement systématique (au profit d’un mythe national complaisant) de la persécution des juifs luxembourgeois et donc de la collaboration des autorités avec l’occupant nazi, établie depuis. Quoi qu’il en soit, on se serait par la suite rendu compte que les plaques déjà en place «ne mentionnent qu’un seul volet» de l’histoire. Un soir, ainsi le dit la légende, on aurait donc proposé au Premier ministre, Xavier Bettel, de commander une plaque complémentaire qui prenne en compte «l’autre volet». Et comme tient à le préciser le directeur sortant en direction du président du Consistoire, Claude Marx, à propos des mots à y inscrire, «jamais auparavant n’avons-nous réussi, avec vous, à trouver un accord aussi rapidement».

On peut se demander pourquoi on n’a pas choisi de réunir sur une seule nouvelle plaque et le souvenir des résistants torturés et la déportation des juifs, pourquoi finalement «l’autre volet» de l’histoire se trouve également sur l’autre colonne (celle de droite) ornant l’entrée de la Villa Pauly. Dans son allocution, Claude Marx s’est contenté de rappeler avec gravité les faits : «Sur une population d’environ 4 000 juifs résidant au Luxembourg en 1940, 1 284 sont morts de manière certaine dans la tourmente, rayés à jamais du monde des vivants. 900 autres ont disparu sans laisser de traces. 1 611 ont survécu. Et c’est du centre administratif abrité par la Villa Pauly qu’étaient mis en œuvre les ordres de déportation.»

Xavier Bettel, à qui il revenait, en tant que Premier ministre, de prononcer le discours de clôture, aura choisi, comme si souvent à ce genre d’évènements, de laisser libre cours à son imagination, ou du moins de faire semblant, ce qu’il sait faire le moins. Si bien que son discours, à défaut d’être écrit pour cette occasion précise n’a finalement été qu’un recyclage, qu’une compilation de phrases («Nous n’avons pas tous été des héros») et de pensées exprimées ailleurs. Ce qui est navrant, compte tenu de la symbolique de la journée d’hier, qui aura marqué la fin du symbole de la Villa Pauly comme sanctuaire en souvenir à la violation, par une puissance venue de l’extérieur, de la supposée intégrité morale d’un peuple qui se rêvait exceptionnel. Mais dans ce pays, on a la mémoire légère. Passons donc à autre chose.

Frédéric Braun

Un commentaire

  1. kleeblatt samuel

    tout ce theatre ne change en rien le sponsoring etatique Luxembourgeois des ONG’s antisemites. Je suis desole mais je ne peux pas accepter ce type de comportement

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