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[Handball] « Mich » Scheuren la bonne patte


Avec Michel Scheuren, les joueurs passent volontiers à table... (Photo Julien Garroy)

Michel Scheuren, kiné de l’équipe nationale depuis 2011, est un personnage essentiel au bon fonctionnement de la sélection mais aussi de son club de toujours : le Red Boys Differdange.

On a cherché, tendu des perches, mais non, désolé, on n’a trouvé personne pour égratigner, ne serait-ce que légèrement, son image. Ni sa réputation. C’est que l’homme serait un vrai bon mec : gentil, compétent et droit. Le genre à vous regarder dans les yeux et à vous dire ses quatre vérités. «S’il y a bien une chose qu’il ne supporte pas, ce sont les faux culs !» Par cette confidence, Gast Seil, qui s’y connaît en franc-parler, adoube celui qui fait partie des murs au Red Boys Differdange. Au point d’en être l’un des plus sûrs piliers. Son nom : Michel Scheuren.

Solide et discret, le «Mich» a cette faculté de se fondre dans le paysage. De l’occuper sans se faire remarquer. Seule sa chevelure d’une blancheur immaculée permet de l’apercevoir. De le repérer. De l’identifier. Au plus près, ses lunettes lui mangent une partie du visage. Une fine barrière laissant apparaître ce regard bleu-glacé qu’il pose sur son interlocuteur, mi-bienveillant, mi-amusé au vu des vingt minutes de retard sur l’horaire prévu en ce lundi après-midi : «Ah, le GPS voulait vous faire passer par le bois, le chemin n’est plus praticable depuis quelques années…» Lorsqu’il n’est pas à son cabinet de kinésithérapie, au centre sportif de Differdange ou bien encore à la Coque, comme cette semaine, à réparer les joueurs de la sélection, c’est donc là, en lisière de forêt à Oberkorn qu’il se trouve. Autant dire, pas souvent.

Il répare tout, des moteurs à sa propre destinée

Réparer. Une sorte de fil conducteur dans l’existence de celui qui, à 15 ans, en a eu marre de cirer ses fonds de culotte sur les bancs de l’école et s’en est allé à l’ARBED pour apprendre le métier de mécanicien. À 22 ans, il quitte le monde de la sidérurgie, mais pas celui du fer. Direction l’armée. «En tant que personnel civil», s’empresse aussitôt de préciser ce pourfendeur des armes à feu. «Je déteste ça ! Ce n’est pas mon truc…» Après trois années passées les mains dans le cambouis des moteurs de Jeep et de camions militaires, «Mich» répare sa propre destinée. Comment ? En suivant des cours à distance avec le CNED (Centre national d’enseignement à distance) lui permettant de passer le baccalauréat et de s’ouvrir les portes de l’université. «J’avais 25 ans», dit-il avec une certaine satisfaction. Direction Louvain et des études en kinésithérapie. «D’une certaine manière, je suis resté dans la mécanique…»

La sienne, à défaut d’être rouillée, aurait mérité très tôt quelques réglages ou réajustements au vu du nombre de pépins récurrents accumulés au fil des bornes. «Huit luxations des épaules opérées chacune une fois, ligaments croisés du genou droit…», énumère celui dont le squelette a notamment souffert lorsqu’il mouillait le maillot des Red Boys. «À 16 ans, et même si j’étais costaud, je jouais en première équipe et les gabarits n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui.» Les soins non plus.

À cette époque, la kinésithérapie n’a pas encore investi le monde du sport et les clubs ont surtout recours aux mains, pas forcément expertes d’ailleurs, des soigneurs. À Differdange, le préposé aux massages n’est autre que Ster Gatti. La bonne âme du club en charge aussi de l’entretien des tricots. «Il détendait surtout les trapèzes», s’amuse un Michel Scheuren qui, à en croire Dominique Gradoux, le DTN, ne se contente pas de malaxer la chair. «Il écoute le corps mais aussi l’esprit.» Cette formule, qui fleure bon la médecine douce, expliquerait la cote dont jouit le kiné auprès des joueurs. Tant de Differdange que de l’équipe nationale.

«La chambre du kiné, c’est l’endroit où le joueur se retrouve et, face à lui, il a besoin d’avoir quelqu’un de compétent, évidemment, mais doté aussi d’une certaine capacité d’écoute.» Au fil de soirées se prolongeant parfois jusque tard dans la nuit, il s’en est vu confier de belles. «On va dire que je suis souvent bien informé. Mais je ne peux rien dire. Secret professionnel…», lâche, dans un grand éclat de rire, ce «curieux» qui, le cas échéant, alerte les responsables de la sélection. «S’il y a quelque chose d’urgent, ça peut arriver, confirme Gradoux, mais la plupart du temps, il reste dans sa fonction. Juste dans sa fonction.» Ce qui lui vaut d’être apprécié, comme en témoigne l’invitation l’an passé d’Alen Zekan à son mariage, dans le centre de la Bosnie. «Il y avait 600 personnes et une ambiance magnifique. C’était génial ! Tout le monde était ému.»

Curieux, Michel Scheuren l’est devenu davantage encore aux yeux de certains en passant ses diplômes d’entraîneur. «Ils pensaient que je n’avais jamais touché un ballon de ma vie, mais moi, je suis dans le hand depuis 40 ans !», rappelle cet ancien demi-centre, auréolé de deux titres de champion national avec les Red Boys (90 et 91), mais aussi de l’un ou l’autre trophée avec l’équipe de l’université catholique de Louvain face, généralement, à sa rivale flamande (KUL). Dans son équipe figurait l’actuel représentant du corps arbitral à la FLH mais aussi kiné, Patrick Simonelli : «C’était un bon joueur.» Un peu moins lorsqu’il endosse le costume d’entraîneur de l’équipe dames : «Il est toujours correct, mais disons qu’il est très émotif et vit son match à fond…»

« Le Shiva de Differdange »

L’équipe féminine, Mich l’a bâtie il y a six ans. Comme ça, pour faire plaisir à Lola, sa fille âgée alors de 9 ans. «On habitait Remich et elle jouait au basket. Un jour, elle m’a dit : Je viens à Differdange seulement si je peux jouer aux Red Boys.» Aujourd’hui, le club possède trois équipes féminines : une dans le championnat senior, une autre en tête du championnat U17 et une dernière (U13) engagée dans le championnat de Lorraine Nord. «Et dans les équipes jeunes, ajoute le paternel, la moitié des enfants sont des filles !» «Mich, c’est un peu le Shiva de Differdange, apprécie Gradoux. Pour faire ce qu’il fait, il doit avoir quatre bras.» Si on ajoute ceux de Fabienne, sa compagne depuis vingt ans, le compte est bon. Secrétaire dans son cabinet à Oberkorn, elle ramène parfois du travail à la maison sous forme d’équipements à laver ou de plats à préparer.

Touche-à-tout et véritable figure d’un club au sein duquel John, son frère, est, dit-on, pressenti pour en reprendre un jour la direction, Mich pourrait lui aussi évoluer. «Il ne marchera jamais sur la tête de quelqu’un pour avancer. C’est une qualité, mais aussi un… handicap parfois», fait remarquer Dominique Gradoux, tandis que Gast Seil, lui, en fait l’éventuel futur entraîneur de l’équipe première : «Dans quatre ou cinq ans, c’est possible. Mich est un homme de terrain.» D’ici là, l’ancien mécanicien devenu kiné sera titulaire du diplôme A dont il suit actuellement la formation. En attendant, ce grand amateur de ski récemment flashé à «78 km/h» sur les pistes de la Plagne («On y va plusieurs fois par an») continuera de s’offrir quelques escapades sur son Harley Davidson modèle Fat Boy («La même que celle dans Terminator») et d’écouter quelques morceaux de heavy metal.

Et quand l’énergie viendra à lui manquer au moment d’enfoncer ses doigts dans de «la viande bien emballée», il pourra toujours s’offrir un petit café et une pâte d’amande pour se requinquer. «Le café, il paraît que c’est bon pour la santé, enfin, vaut mieux, car j’en bois toute la journée… Pour ce qui est de la pâte d’amande, je peux en manger un kilo comme ça.» Pas de doute, Michel Scheuren est une bonne patte…

Charles Michel

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