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Falade (Mondorf) : «Chez nous, le football, c’est pour les délinquants»


La psychologie, "c'est important parce qu'on prend pas mal de coups bas dans ce sport, on en rencontre, des difficultés", juge Marianel Falade. (photo DR)

Le nouvel attaquant de Mondorf est un serial buteur béninois qui arrive de Franche-Comté lesté d’un master en psychologie du sport.

Marianel Falade va-t-il marquer autant que lors de ses trois saisons françaises, menées de front avec ses études ? Si c’est le cas, Arno Bonvini et sa bande seront sans doute plus près de la première partie de saison que de la lutte pour le maintien.

Votre parcours laisse apparaître que vous êtes arrivé en France il y a trois ans pour mener des études en psychologie du sport, c’est bien ça ?

Je jouais en D1 au pays (NDLR : le Bénin), j’ai même été cadet en équipe nationale mais mon père n’a pas trop voulu que je joue au foot. Chez nous, le football, c’est pour les délinquants. Tu joues, tu te blesses et… tu n’as plus d’avenir. Surtout en Afrique où les soins médicaux… Voilà comment tu te retrouves à la rue. Mon père préférait qu’on aille à l’école, mais c’est logique puisque mes deux parents sont enseignants. Donc j’ai fait la fac de sport là-bas, Staps. Et après, je suis venu en France pour faire mon master et devenir docteur en psychologie du sport. Et la Franche-Comté était la région qui offrait ce genre de formation.

Et arrivé là, vous avez repris le foot en Régional puis en National 3, à Roche-Novillars. Votre père n’a rien dit ?

(Il rit) Non mais en fait, le sélectionneur national m’a appelé récemment et mon père a compris qu’il y avait peut-être une destinée là-derrière. Il m’a dit « put… je ne savais pas que tu jouais comme ça ! ». En fait, au Bénin, il ne m’avait jamais vraiment vu jouer. Après mon master, j’aurais dû écrire ma thèse, passer mon doctorat mais j’ai aussi commencé à travailler et je devais en plus gérer le football de front, donc j’ai laissé les études de côté pour encore quelques années, je les prends pour me consacrer au jeu. Je vais encore jouer au football jusqu’à 33-35 ans et après j’écrirai ma thèse.

Ça vous sert, ces études en psychologie, pour être bien dans votre tête et dans votre sport ?

Oui, c’est important parce qu’on prend pas mal de coups bas dans ce sport, on en rencontre, des difficultés. Mon boulot, en psychologie, c’est d’amener les athlètes à la haute performance, de parvenir à leur faire saisir les différences entre vie privée, vie professionnelle, vie footballistique. Moi, sur un terrain, j’oublie tout. Je ne pense qu’au ballon, j’ai la tête sur les épaules.

Et vous en profitez pour garder un coup d’œil sur le mental de vos coéquipiers ?

Ça me passe des fois par la tête, oui, mais je ne suis pas là pour ça. Moi, je ne suis là que pour le foot. Après, si on me demande un conseil, bien sûr, je le donnerai, mais je préfère rester dans le manteau du footballeur (sic) que de mettre celui du psy.

Arno Bonvini sait-il que vous possédez ce diplôme ?

Je ne crois pas non.

Le football sans psychologue du sport, cela peut encore exister selon vous ?

Non. Pour moi, c’est crucial. Quand on voit tous les joueurs qui basculent du côté négatif… Les grands joueurs, eux, ont tous leur « psy » privé. Normal, il suffit de se faire lyncher dans les journaux et de ressentir la pression pour décliner. C’est pour ça que j’ai choisi ce métier : parce que dans la prochaine décennie, tous les grands clubs auront besoin de nous.

Vous comptez l’exercer en Europe, ou retourner au Bénin ?

Ah mon rêve, c’est de retourner chez moi et de transmettre cet enseignement. Entre les footballeurs africains et les footballeurs européens, l’environnement est différent, oui, mais il y a aussi beaucoup de points communs.

Revenons au jeu : il y a eu aussi un test à Sochaux, à votre arrivée en France, non ? Vous avez failli devenir pro ?

Pas un test. En fait, ils m’ont approché pour jouer avec leurs jeunes en équipe réserve. Il faut dire que j’ai un aspect vraiment juvénile. Ils devaient penser que j’ai un peu plus d’une vingtaine d’années et si vous me voyez, effectivement, vous me donnez 22 ans. Mais j’en ai bientôt 31 ! les gens de Sochaux, quand je leur ai dit « Ah non, en fait, j’ai déjà 27 ans », ils ont vite compris qu’il fallait abandonner le projet.

Les médias francs-comtois décrivent un serial buteur.

J’ai dû en mettre une soixantaine en championnat, en trois saisons. Avec les Coupes, je dois m’approcher des 70.

C’est ce que vous allez apporter à Mondorf, qui n’en a inscrit que 19 lors de la phase aller ?

Oui, je pense. Après, il va me falloir du temps pour m’adapter. Moi, j’ai un jeu de profondeur et de ce que j’ai vu du système de Mondorf, plutôt basé sur les attaques placées, ça ne me correspond pas forcément. il va donc falloir que je m’adapte au système car il n’est pas forcément fait pour moi.

Tiens d’ailleurs, comment êtes-vous arrivé là ?

Ma femme est française et elle vient de trouver un boulot au Luxembourg. Donc un week-end, on est monté et j’ai recherché un club. J’avais un ami qui habite à Mondorf, il m’a glissé le nom du club. Ils m’ont calé un essai, on a joué contre Etzella et on a gagné 4-1.

Vous avez marqué ?

J’ai mis un triplé.

Et vous voilà donc chez les « chèvres » de Mondorf, vous qui rêvez encore des Écureuils du Bénin, une sélection qui n’a pas vraiment d’attaquant de référence…

Moi, je suis un guerrier. Récemment, comme je vous l’ai dit, j’ai eu le coach (NDLR : le Français Michel Dussuyer) au téléphone.

Entretien avec Julien Mollereau

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