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[Théâtre] Robert(s), l’écologie vaut bien une pièce !


Pour Robert(s), Frédérique Colling et Brice Montagne partageront la scène avec Jorge De Moura et Catherine Elsen (Photo : Bohumil Kostohryz)

La compagnie Les FreReBri(des) présente, au Aalt Stadhaus de Differdange, sa nouvelle pièce, Robert(s). Une création qui met en scène quatre personnages face à l’urgence climatique. Une pièce montée avec une économie de moyens pour lui donner la plus basse empreinte carbone possible.

«Quand on comprend l’ampleur de la merde, il y a une période d’effondrement émotionnel avant qu’on puisse arriver à une forme d’action», lance le comédien, membre des FreReBri(des) et à ce titre co-concepteur de Robert(s) ainsi que militant écologiste, Brice Montagne. C’est ce qu’on appelle le deuil climatique. Un concept central dans cette nouvelle pièce des FreReBri(des), dont la première se tiendra ce samedi 11 janvier au Aalt Stadhaus de Differdange et sera par la suite reprise au Kulturhaus Niederanven puis au Kinneksbond de Mamer.

Robert(s) est née, en partie, de l’engagement militant du comédien, reconnaît la metteuse en scène Renelde Pierlot. Partis, au départ, sur un autre projet, Les FreReBri(des) ont dû faire marche arrière pour une histoire de «réforme des obtentions de subsides». C’est là que Renelde Pierlot propose de faire un spectacle sur le changement climatique.

«Après tout, le changement climatique a vraiment sa place en tant que thème principal d’une pièce», lance-t-elle tout en reconnaissant juste après que «c’est un sujet compliqué, un sujet auquel on n’aime pas trop penser dans notre quotidien parce que ça remet en cause notre mode de vie».

Un clin d’œil à Robert Förstemann

Le titre de la pièce est un clin d’œil au cycliste allemand Robert Förstemann (lire encadré) dont le prénom, un «Robert», est devenu une mesure fictive d’énergie nécessaire pour griller une tranche de pain. «En tant que Luxembourgeoise, 500 Roberts sont nécessaires pour couvrir ma consommation électrique quotidienne», lance pour sa part la comédienne Frédérique Colling. «43 000 Roberts sont nécessaires pour faire démarrer un avion; juste démarrer», ajoute-t-elle.

Sur scène, dans Robert(s) – les FreReBri(des) aiment décidément les parenthèses, leur précédent spectacle était intitulé Famille(s) –, les spectateurs découvrent quatre personnages grandement inspirés des comédiens eux-mêmes. En plus de Brice Montagne et Frédérique Colling, Jorge De Moura et Catherine Elsen se partagent la scène. «Quatre personnages qui font leur cheminement personnel par rapport au changement climatique. Ils ont des visions différentes et des perspectives qui le sont aussi», souligne la troupe.

Une troupe qui a décidé de faire l’impasse sur un contexte de fiction qui pourrait instaurer les personnages ou lancer le propos pour se concentrer sur des expériences, des faits. «C’est un chemin qu’on a essayé de suivre, avec des expériences personnelles, des scènes qui s’entrecroisent, mais aussi des moments plus didactiques, des données scientifiques, etc., qui donneraient une espèce de modèle réduit de ce qu’est le changement climatique», reprend Brice Montagne.

Robertsweb

«Le tout en forme théâtrale, en forme musicale, en forme bizarre aussi parfois avec des moments sans paroles.» Le but étant d’«arriver à faire un spectacle intéressant, qui ne soit ni déprimant ni moralisateur», reprend la metteuse en scène.

Une pièce interactive

Dans Famille(s), les FreReBri(des) proposaient aux spectateurs de choisir la trame finale de la pièce de manière interactive. Un principe que la troupe n’a pas gardé pour Robert(s). Ici, le récit ne bougera pas selon les choix du public. Mais les créateurs ont tenu à garder une certaine interaction avec leur auditoire.

Une interaction plus instinctive, plus physique, d’où la présence, à côté des comédiens, de douze vélos d’appartement. «En pédalant, les spectateurs créent de l’énergie qu’on transfère sur quatre batteries et qui, ensuite, transformée en 200 volts, nous sert pour faire la lumière de la pièce», note le créateur lumière, Dominik Dusek. «Du coup, on n’utilise pas du tout le circuit électrique du théâtre», précise-t-il. Et le public, lui, «doit s’engager dans le spectacle, être en mouvement, du coup, dans un changement, dans une nouvelle vision», souligne Renelde Pierlot.

Des décors, costumes et instruments d’économie circulaire

Comme pour les lumières, c’est toute la conception de la pièce qui s’est faite avec un souci écologique particulier, «en faisant en sorte qu’elle ait la plus petite empreinte carbone possible». Du coup, pour toute la scénographie et les costumes, Peggy Wurth a fait appel au recyclage, à l’économie circulaire. «D’habitude, dans les créations théâtrales au Luxembourg, il y a énormément de gaspillage : construction de décors, accessoires, costumes…» Seuls achats neufs pour Robert(s), reconnaît la responsable, «les vis et la mercerie pour coudre les costumes».

Une manière différente de travailler que Jorge De Moura a aussi fait sienne au niveau de la création musicale. «Je n’ai pas d’électricité, donc je fais tout en acoustique», précise-t-il. Et il rappelle : «Ça fait quelques années que je fais de la lutherie sauvage, que je fabrique des instruments à partir de déchets : des xylophones avec des palettes de chantier, une grosse caisse à partir d’un vieux bidon en plastique, etc.» Il poursuit : «Ça me fait marrer d’essayer de sortir des sons potables avec des trucs censés, au départ, partir à la déchetterie.»

Ceux qui l’ont vu dans Sales gosses de Fábio Godinho savent qu’ils peuvent s’attendre à quelques grands moments de percussions inspirés par les seventies. Mais le comédien-musicien insiste, «la musique au théâtre c’est un exercice à part; l’instrument solo, c’est le texte. Moi, je suis là pour le servir au maximum et pour amener du tempo, une tension qui, peut-être, sans la musique serait moins présente.»

Robert(s) propose, en somme, un travail théâtral étonnant, innovant, riche… sur un sujet on ne peut plus vaste et prenant. Après, à chacun de se faire une opinion, de tirer ses conclusions et, pourquoi pas, de commencer à agir de manière plus écoresponsable. D’ailleurs, la troupe invite les spectateurs «à prendre le train – moyen de transport le plus faible en carbone – avant qu’il ne quitte le quai !».

Pablo Chimienti

Aalt Stadhaus – Differdange. Samedi 11 janvier à 20 h. Dimanche 12 à 17h. Ensuite au Kulturhaus Niederanven, le vendredi 17 janvier et au Kinneksbond de Mamer, le vendredi 24 et le samedi 25 janvier.

Un «Robert», c’est quoi ?

Champion du monde de vitesse par équipes en 2010, le cycliste allemand Robert Förstemann a 29 ans quand, avec son 1,74 mètre, ses 95 kilos et ses cuisses énormes mesurant 74 cm de circonférence, il a participé, en 2015, à une étude sur la consommation d’énergie des humains par rapport à la puissance que leur propre corps est capable de générer. Comment? En essayent de faire griller une tranche de pain dans un toasteur dont l’énergie serait produite exclusivement par ses coups de pédale sur un vélo d’appartement. L’homme a réussi mais, malgré sa condition physique, a fini éprouvé pour générer les 0,021 kWh nécessaires à l’expérience. Depuis lors, un «Robert» est la mesure fictive d’énergie nécessaire pour griller une tranche de pain.

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